◇ your life begins to become interesting

Clyde était assis sur le banc, au fond de la cour. Il observait ses camarades s’époumoner en jouant à ce sport de brute épaisse qu’il détestait tant : le football américain. Sérieusement, qu’est-ce que ça apportait à la société ? Peut-être la fierté nationale si une équipe gagne, mais à part ça ? On y joue pendant quelques années, on est riches et célèbres, et après ? On tombe dans l’oubli total au moment de la retraite, plus personne à part les proches pensent à ces grands héros du football, mais sinon on est complètement dans les limbes de l’oubli. Alors que lorsqu’on fait preuve d’intelligence, on ne nous efface jamais de la mémoire. Einstein par exemple, est encore un nom très utilisé ; tous ces médecins comme le français Pasteur qui a découvert le vaccin contre la rage, eux, on ne les oubliera jamais. Pourquoi croyez-vous que le petit bonhomme a décidé de suivre ces traces, plutôt que de prendre le risque de se fracturer la clavicule avec ces mêlées de fous furieux ? Agacés par les grognements du terrain, Clyde décida de s’éloigner, en prenant toutes ses affaires sous le bras et en lançant un regard dédaigneux vers les sportifs en train de courir après un stupide ballon. Ils allaient peut-être avoir une bourse grâce à ça, mais lui, il aura une bourse pour ses compétences intellectuelles, c’est tout. Alors qu’il se moquait intérieurement de l’avenir de ces mecs, il bouscula quelqu’un, ce qui l’obligea à lâcher toutes ses affaires à terre. La réaction de la jeune fille ne se fit pas attendre. Elle se jeta sur les affaires étalées, tout en s’excusant des milliers de fois envers Clyde. « Ce n’est rien tu sais, je peux ramasser tout seul… » Et en posant ses yeux sur le visage de l’inconnue, il ne sut dire s’il était prit de tournis, d’un arrêt cardiaque ou les deux en même temps. La première chose qu’il vit immédiatement, c’était ses yeux. Jamais, au grand jamais, il n’en avait croisé un tel regard. Il en fut déstabilisé durant quelques secondes qui lui parurent une éternité, avant de pouvoir retrouver le total contrôle de son esprit. « Encore désolée. »

La nouvelle avait eu l’effet d’une bombe dans le cœur de Clyde. Comment cela pouvait-il lui arriver ? Il s’était toujours dit que ceci arrivait la plupart du temps qu’aux autres, qu’il était comme immunisé contre ces drames. Mais la carapace qu’il pensait indestructible s’est brisée en quelques secondes. En un seul coup de téléphone. Il sentait son monde s’écrouler tout autour de lui, alors qu’il attrapait déjà ses clefs et courrait comme un dingue, ne s’intéressant aucunement des personnes qu’il pouvait bousculer au passage, il était dans un état second lorsqu’il agrippa son volant, jusqu’à en avoir les articulations complètement blanches. Comme si cette voiture pouvait encore tout arranger, alors qu’il savait très bien, au fond de sa tête, qu’il était bien trop tard. Il voulait pourtant effacer cette pensée de son esprit, laissant la place à l’espoir qui naissait en lui au fil des minutes qu’il passait sur la route. Il ne savait pas comment il arrivait à conduire sans pour autant écraser les passants, foncer dans les voitures devant lui alors qu’elles n’allaient pas assez vite à son goût. Il lui arrivait parfois de klaxonner, mais il n’en abusa pas, car il débarquait déjà dans l’hôpital de la ville. Pensant à peine à verrouiller sa voiture, il se précipita dans le hall. La réceptionniste, comme si elle avait été informée par son arrivée, lui lâcha quelques mots qu’il ne comprenait pas. Il balayait le hall des yeux, cherchant une quelconque trace de visage familier, de quelqu’un qui pourrait lui indiquer où ils se trouvaient. « Où sont-ils ? » « En salle d’opération. Il vous faut beaucoup de patience pour… » « De la patience ? Mes parents sont en salle d’opération et vous voudriez que je fasse preuve de patience ?! » Il lui cracha ces mots vénéneux avec tellement de colère que la jeune femme en face de lui sursauta et recula de quelques pas. Peu lui importait qu’il ait pu lui faire peur avec son comportement, il n’avait aucune envie de faire preuve de patience. Clyde aurait pu casser n’importe quoi se trouvant sur son passage, mais une main ferme lui attrapa l’épaule. « Monsieur Fitzgerald, je sais que c’est difficile, mais il faut vraiment vous calmez. Je viendrai vous apporter des nouvelles dans quelques heures. Essayez de vous calmer, ça ne sert à rien de s’énerver. » Si, ça calme, avait-il envie de répliquer, mais ces mots restèrent coincés dans sa gorge. En fait, une boule c’était formé, qui l’empêchait presque de respirer. Il se contenta de se dégager violemment de l’emprisonnement du médecin, et se laissa tomber sur une chaise à proximité. Attendre. Comment pouvait-il attendre alors que ses parents étaient près de lui, séparés par quelques couloirs et des portes qui s’ouvraient et se fermaient au passage des infirmiers. En espérant prendre son mal en patience, Clyde enfonça son menton dans ses mains, et fixait le sol. Il ignorait combien de minutes défilaient, alors qu’il voulait secrètement frapper cet homme qui lui avait conseillé de se calmer. Avait-il déjà vécut cette situation pour oser lui dire ça ? Soudain, il entendait des pas venir vers lui. Des pas lents, mesurés. Cela ne présageait rien de bon. « Monsieur Fitzgerald. » Rien qu’au ton qu’il utilisa pour l’appeler, son sang ne fit qu’un tour dans ses veines. Il mit un certain temps pour redresser la tête. Il savait ce qu’il allait entendre. « Je suis vraiment navré. Nous avons fait tout ce que nous pouvions mais… votre père est décédé d’une importante hémorragie à la rate, et votre mère est en mort cérébrale. Je suis désolé. » Clyde serra les poings. Il avait tellement envie de le frapper, ce désir prenait une telle place dans sa tête qu’il ne pouvait l’ignorer. Mais au lieu de ça, il se leva brutalement et le bouscula jusqu’à le faire basculer sur une chaise, et il s’enfuit. Il ne voulait pas de cette réalité. Il laissait tout simplement son corps décider de la destination, son cerveau étant comme déconnecté du présent qui n’était pas celui qu’il espérait. Sans qu’il sache pourquoi, il se retrouva dans un bar. Il s’installa à un tabouret, et le regard vide, demanda dans un demi-souffle au serveur « De la vodka. Pure. » Pourquoi avait-il du mal à retrouver son souffle ? Avait-il couru ? Il ne pourrait l’affirmer, et il n’en avait pas l’intention. Il voulait oublier. Au moins quelques heures. Il attrapa son verre d’alcool, et il ne put se retenir de le boire cul-sec. Le liquide lui brûlait la bouche et la gorge, il en toussa même, mais il sentait déjà son esprit embrumé et près à une nouvelle dose. Deux verres. Trois verres. Cinq verres. Il ne se souciait pas de l’état dans lequel il pouvait être. Il en était arrivé à ne plus se souvenir de son nom. Pourquoi était-il ici d’ailleurs ? Il ne se souvenait absolument plus. Et il sentait que c’était ce qu’il voulait au départ. « Clyde ? » Cette voix fut la seule chose qui le tira de sa torpeur. Sa vue était trouble, ou peut-être était-ce son esprit qui était tellement embrumé par l’alcool qu’il avait ingurgité qu’il ne voyait plus très bien. Mais cette voix, il ne pouvait l’oublier. Au bout d’un effort surhumain, il tourna le visage vers l’origine de cette voix. Et il la vit. Cette fille qui le rendait fou. Mais par soucis de ne pas gâcher l’amitié qu’ils entretenaient, ne lui disait rien du tout. Le truc le plus abruti du monde, se disait-il, alors qu’il voyait parfaitement ses yeux inquiets tournés vers lui. Sans doute se demandait-elle se qu’il pouvait bien faire ici. Au bout d’un nombre incalculable de secondes, dans son état du moins, il finit par hausser les épaules, et d’un ton nonchalant, lui répondit à une question qu’elle n’avait pas posée. « Mes parents sont morts ! Accident de voiture. Merde hein ? » Il sentit son cœur se briser, et la peine qu’il avait rejeté dans un coin de sa tête en feu revenait brutalement. Morts. Il se laissa tomber sur le comptoir, et sentait à peine la pauvre Rosie essayer de le soutenir pour le sortir de là. Comment était-elle au courant de l’endroit où il se trouvait d’ailleurs ? Il ne pouvait s’en rappeler. Tout se dont il était capable de deviner maintenant, c’est qu’il allait avoir une sale gueule de bois le lendemain. Et après un trajet apocalyptique, rythmé par les vomissements et les gémissements de douleur du jeune homme de dix-huit ans, son amie réussie néanmoins à le ramener chez lui. Elle resta la nuit avec lui, à surveiller son sommeil, apportant de l’eau pour qu’il boive et rapprochant la bassine lorsqu’il était pris de nausée. Il ne pouvait pas espérer mieux, même ivre, comme présence à ses côtés.

Clyde soupira. Il ne savait absolument pas quoi faire en cette soirée d’octobre. La télévision n’offrait rien de bien passionnant, et la plupart des livres qui étaient dans son étagère ne l’intéressait plus tellement puisqu’il connaissait le moindre détail. La plupart du boulot qu’il devait faire pour ses études était fait depuis un bon moment, et dans son quartier aucune distraction ne s’ouvrait à lui. Il se résignait donc à passer une soirée complètement nulle, à peut-être regarder un film qui se trouvait dans le meuble dédié à cet effet non loin de là. Mais il fut coupé dans son élan par un bruit vers la porte. Quelqu’un avait toqué. Mais il n’attendait personne à cette heure-ci, la plupart de ses ‘concubines’ ne venaient que le week-end, alors que là, c’était mercredi. Il se leva donc, en éteignant au préalable la télévision, et se dirigea vers l’entrée de son appartement. Quelle ne fut pas sa surprise lorsqu’il reconnu, presque immédiatement, la longue chevelure soyeuse de Rosie. « Rosie ? Qu'est ce que tu fais là à cette heure là ? » Dès le moment où elle lui sourit d’une manière étrange et qu’elle le poussa dans son appartement, il la trouvait bizarre. Elle n’était pas comme d’habitude. Quelque chose n’allait pas. Néanmoins, il cachait son étonnement par une expression tout à fait naturelle. « J'ai pas le droit d'avoir envie de te voir ? » « Ben en générale quand une fille vient me voir à cette heure là c'est pas juste pour discuter si tu vois ce que je veux dire. Et comme ce n’est pas ton genre et bien je me demande si t'as pas genre des problèmes ? Ou des soucis ? » « Et depuis quand tu sais ce qui est mon genre Clyde ? » Non, quelque chose n’allait vraiment pas. Que lui arrivait-il ? Avait-elle bu ? Elle ne sentait pourtant pas l’alcool. Elle posa soudain ses mains sur les épaules du jeune homme qui, malgré les vêtements qu’il portait, pouvait très bien ressentir les décharges électriques lui parcourir l’ensemble de son corps en quelques secondes à peine. Il la regarda, interloqué, alors qu’elle rapprochait ses lèvres. Bien que ce fût tout ce qu’il voulait depuis des années, il la repoussa doucement, pour ne pas la brusquer. Une partie de lui-même se maudissait d’avoir fait un tel geste. « Qu'est ce que tu fais Rose ? » « Quoi ? Je sais très bien que toi aussi t'en a envie depuis un moment alors arrêtons de parler maintenant et agissons je crois qu'on a déjà assez tergiversé toutes ses années... » Oh oui il en crevait d’envie. Mais Clyde ne voulait pas qu’elle ne soit qu’une conquête parmi tant d’autre. Il voulait qu’elle se rende compte qu’il tenait à elle plus qu’elle ne pouvait l’imaginer. Il avait imaginé des tas de situations où il aurait pu tout lui avouer, mais il devait admettre qu’il n’avait jamais pensé à ce genre de scénario. Après tout, Rosie était tellement différente de lui. Il séduisait la plupart des femmes qu’il trouvait par-ci par-là, mais elle n’était pas ainsi, il le savait. Toutes ces images se mélangeaient dans sa tête, si bien qu’il ne comprenait absolument pas ce qui arrivait. Comment ce faisait-il qu’elle agisse de cette manière ? Et avant qu’il ait eu l’occasion de lui poser la question, elle posa ses lèvres sur les siennes. Il sentait plus que jamais l’attraction qui la poussait vers elle, mais dans un énième désir de savoir ce qui lui arrivait, il la repoussa encore une fois, bien que cette fois-ci ce fut plus compliqué pour lui de l’éloigner ainsi. « Rosie …. » Mais pour qu’il se taise, elle appuya son doigt sur ses lèvres. Il baissa les armes. N’entendant que son cœur battre dans ses tempes, il vit Rosie se rapprocher une nouvelle fois, et il lui rendit enfin son baiser. Il la dirigea vers sa chambre, en ne quittant pas ses lèvres, tout en semant derrière eux tous les habits qu’ils portaient. Ils passèrent la nuit ensemble, jusqu’à ce qu’elle parte sans prévenir tôt dans la matinée. Imaginez l’étonnement du jeune homme lorsqu’il se rendit qu’elle était partie comme une voleuse, lorsqu’il se réveilla à neuf heures ce matin-là. Et depuis, ce ne sont que quelques textos, mais ne parlant jamais de ce qui c’était passé. Et depuis, Clyde se sent plus sûr de lui, et peut-être va-t-il tenter quelque chose dans les jours à venir. Après tout, ils vont sans doute se retrouver en vacances, car ils vont dans la même destination.

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Très bel avatar soit dit en passant (:

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