Ces derniers jours la vie à la maison devenait de plus en plus difficile, Apollon n'avait de cesse de s'imposer et avec ça une autorité des plus inappropriée à mon égard et l'absence de ma mère pour son travail était loin d'arranger les choses. Comment se passe tes examens Rhian? J'ouvre des yeux ronds. Rhian? Pardon comment tu viens de m'appeler? Je pense nerveuse. Est-ce que je te demande comment tu vis l'absence de sexe de cette semaine, moi ? Crétin! Je ne le supportais plus, lui et sa façon presque exagérée de s'imposer. Il n'avait de cesse de s'immiscer de ma famille, prenant la place autre fois occupée par mon père et je ne pouvais m'empêcher de détester, de haïr cette aisance avec laquelle il tentait de remplacer mon géniteur. Comment viens-tu de me parler Rhiannon?! Oh la ferme ! Je le pense fortement et me retiens de peu de ne pas le lui balancer en pleine figure. Il commence décidément vraiment à m’énerver et pour échapper à une nouvelle confrontation, je me lève de table sans répondre mot. Je ne prends pas le soin d’aller chercher de quelconques affaires que je m’empare de ma veste et fuit ses quatre murs qui ne me ressemblent plus.

Dehors la chaleur commençait à retomber mais l'air ambiant en restant pourtant toujours aussi lourd. Maman reviens, vite. Son absence commençât, à cet instant précis, à se faire fortement ressentir, plus fortement qu'à tout autre moment de cette longue et laborieuse semaine. Je traînais dans les rues et sans m'en apercevoir, je finis par arriver devant la maison de Lucas. L'envie soudaine d'enfouir ma peine dans ses bras me pris au tripes et c'est à quelques pas de la porte qu'Hawthorne pris possession de mes pensées. Hawthorne et Lucas, les deux hommes deux ma vie. Quand parviendrais-je à choisir ? Telle était la vraie question et honteuse de ce que j'infligeais à Lucas sans même qu'il ne le sache, mon courage se fit la malle, me laissant seule dans la nuit tombée.

Finalement une vingtaine de minutes plus tard c'est à la porte de l'appartement Fielding que je me retrouvais en train de frapper. Me mordillant les lèvres, je priais silencieusement pour qu'Hawthorne ne soit pas sorti, qu'il soit toujours là et que, en quelques minutes, son joli visage se dessine à travers l'entrebâillement de la porte. Lorsqu'au bout de trois minutes il vint ouvrir, je ne pus m'empêcher de sourire à sa vision. Salut l'amant, tu me laisses entrer ou, est-ce que je suis censée camper sur le palier? Je me mets à rire, calmement, tentant difficilement de ne pas réveiller tout l'immeuble.
Une fois à l'intérieur je ne prenais ni le temps de réellement le saluer, ni celui d'enlever ma veste tandis que je lui sautais littéralement au cou, réclamant un baiser. Un de ces baisers qui me font tout oublier.

Hawthorne était un homme comme je les avais toujours détesté et comme je les déteste encore aujourd'hui. Ce genre d'homme volage dont Gil' et moi disions qu'ils ne pensaient « qu'avec leur kiki » et cela en permanence. Je les avais détestés plus que tout au monde, d'abord lorsque ma mère en avait ramené un à la maison, un homme à l'habitude portée sur la bouteille et à la poigne un peu trop forte lorsqu'il était en colère. Et mon image d'eux ne s'était pas amélioré avec les aventures qu'avait vécue mon amie, elle aussi violentée -mais sentimentalement cette fois- par un de ces hommes qu'on qualifierait de facile, si eux aussi étaient jugés comme on juge les femmes.
Pourtant, ma vision d'Hawthorne n'avait rien à voir avec tout cela. Rencontré dans un bar, bien-sur Gillian avait entendu parler de lui dans son entourage de filles faciles et bien qu'elle ne sache rien de notre rencontre -à lui et moi- elle n'avait pas pu s'empêcher de me faire un récit long comme le bras et sur-détaillé concernant mode de vie du garçon et ses diverses aventures. Malgré tout lorsque je l'avais rencontré, j'avais été irrémédiablement attirée par ses pupilles d'un mélange doux de bleu et de vert, tellement que je m'en étais abandonné à ses bras au cours de la même nuit. Sans le moindre regret le lendemain, hormis peut-être vis-à-vis de Lucas.


Parfois.. non! bien souvent plutôt ; je me disais que je devrais arrêter, tout stopper tant qu'il en est encore temps. Pour Lucas, mais aussi pour moi tant que je suis encore assez forte pour me voiler la face et me dire qu'il n'y a aucun sentiment dans mon coeur à l'égard de l'homme qui vient d'ouvrir la porte et me fait face. J'aimerais avoir la sagesse d'âme de préférer ma douleur à celle que Lucas vivra en apprenant tout ça, mais j'en suis incapable. Hawthorne est mon bandage, mon puits de l'oublie. Il est le verre d'alcool qui enivre et fait oublier tous les petits ennuis du quotidien.


Salut l'amant, tu me laisses entrer ou, est-ce que je suis censée camper sur le palier ? Je ne me rappelle plus exactement quand ces nuits sont devenues des habitudes, je ne sais plus non plus quand j'ai commencé à l'appeler comme ça. Mais je souris. Mon amant, parce que c'est bien ce qu'il est, mais parce que je nie qu'il est en chemin pour devenir tellement plus. J'ai tellement peur de la souffrance. Pourtant, je continue à me réfugier dans ses bras quand rien ne va.
Après quelques grimaces taquines, faisant image de réflexion à mon interrogation il finit par me laisser rentrer. Son entre, son appartement. Enfin plutôt le leur, à lui et son colocataire. Il est tellement en désordre, mais en même temps on s'y sent tellement bien dans ce bordel monstre. Nous avons à peine le temps d'effectuer un mouvement, que je m'abats en un instant d'un baiser sur ses lèvres. Puis, à peine après m'avoir rendu mon baiser il lançait. On peut savoir ce qui vous amène? Je pinçais les lèvres espérant secrètement qu'il comprendrait que je n'ai pas réellement envie d'en parler puis j'ajoutais, le sourire toujours aux lèvres. Et bien mon très cher je ... Je me stoppe soudain dans ma réponse avant de reprendre 'On' ? Et moi qui espérais t'avoir pour moi toute seule ce soir. Tout en y accompagnant une petite moue déçue dont j'avais l'habitude. Pourtant, refusant de s'avouer vaincu il ajoutais illico Est-ce qu'il y a un problème ? Oui et si tu savais comme j'aimerais qu'ils disparaissent tous, comme ça, en claquement de doigt. Pensais-je. Pourtant, je n'en dis rien, trop à l'aise dans ses bras pour tout gâcher en déblatérant sur mes soucis. S'il y en avait un est-ce que tu m'aiderais à l'oublier? Je lui lançais, un sourire en coin.
Je m'apprête à l'embrasser sur la joue lorsque mon téléphone se met à sonner sur l'écran s'affiche le prénom de Lucas et à cet instant bien précis mon cœur ce serre comme jamais au-paravent tandis que mon doigt hésite au-dessus de la touche « décrocher » .

C'était une règle stricte, une de ces règles sans lesquelles, plus rien ne tient la route et sans lesquelles la douleur est si forte qu'elle en est presque insupportable. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle je me l'étais moi-même imposée, forçant au passage Hawthorne à le respecter. Ne jamais parler de sois, de ses problèmes personnels, ne jamais envisager un passé comme un avenir. Voir tout cela comme le simple croisement de deux chemins, voilà ce que je voulais. Ne rien voir de plus qu'une rencontre au détour d'une allée, d'une halte dans un motel avant de repartir. Pourtant, depuis des semaines déjà la pause de nos deux périples commençait à s'étendre et ni l'un ni l'autre n'éprouvions un besoin quelconque d'y mettre un terme.
J'avais beau tout essayé pour le laisser à l'écart de ma vie, je m'en mordais littéralement les doigts. Et bien que tout soit bon pour me protéger de la souffrance l'envie de me reposer sur lui par moments, n'en était pas moins là. Pourtant, je ne pouvais confier la réponse qu'il souhaitait à sa question. Et je fus heureuse qu'il ne s'en vexe pas le moins du monde, me gratifiant d'un de ses baisers dont lui seul avait le secret, presque de la magie.

Lorsque la sonnerie de mon mobile retentit l'étreinte s'achève. Telle une décharge électrique dans sa colonne je sens Hawthorne se raidir et s'éloigner de moi en un seul instant, grognant de ce son que je connais si bien, mais que je n'ai pourtant jamais senti aussi dure. Non. Je n'ai vraiment aucune envie de te parler maintenant. Pourtant, la vois de l'homme qui me fait face m'encourage au contraire et je ne m'écoute déjà plus, au profit de ce que lui me dicte. Réponds. Son indifférence flagrante, me blesse légèrement, mais pas assez pour que s'en soit visible et je reprends assez vite mes esprits pour me convaincre que c'est tout à fait normal. Tandis, qu'il s'éloigne me laissant seul avec le petit bijou de technologie gueulard entre les mains, mon doigt finit par s'abattre sur la touche adéquat.

Allô, Lucas? Je tente tant bien que mal de contrôler mon coeur qui ne cesse de battre la chamade, tandis que ma raison par en fumée. Rhiannon? Rhiannon ton père vient de m'appeler il se fait du souci pour toi ! Où es.. Merde ! Un silence s'installe et à cet instant je n'ai plus aucun remords que de la douleur. Cette même douleur que j'ai ressenti le jour où mon père est décédé, cette douleur immense quand je vois que cet inconnu qui tente de prendre sa place réussit si bien sa tâche, alors que de mon côté je suis incapable de mener à bien ce que j'entreprends, de faire les bons choix. Laisse tomber Lucas, j'ai juste besoin d'être seule. Je lui dis. Seule avec lui, seule à la frontière du bonheur. Parce-que c'est bien ce qu'il représente. Cet homme avachit sur son canapé à siroter sa bière comme une fillette, il est ma seule étincelle de bonheur. Bien-sur je n'ajoute rien de tout cela. D'accord, je suis désolée mon amour. Dit-il avant de ce taire pour attendre que je raccroche la première comme un enfant. Moi aussi, je suis désolée.

Après avoir raccroché il me faut quelques instants pour redevenir maitre de moi. Dans le fond ce n'est pas réellement un mensonge, je suis seule, j'omets juste de préciser que je suis accompagnée dans ma solitude. Je me mets alors à penser comme pour me trouver une excuse à ce que je lui inflige. Puis je me dirige vers la table, m'empare de la bière et sans jeter un seul regard à Hawthorne de peur qu'il n'y décèle la moindre souffrance, le moindre signe, de peur qu'il ne s'en braque et ne me fuit, je m'installe à l'autre bout du canapé. Tu nous mets un film mon amant? Peut-être vaut-il mieux faire comme si de rien n'était tandis que mon combat intérieur ne fait que commencer. Et la chaleur de son être se fait alors bien lointaine.